samedi 5 décembre 2009

Intérêt de l'utilisation du laser Nd YAP dans la réimplantation dentaire

Le mode d’action principal du laser ( Dahan et coll ) consiste à induire une réaction inflammatoire du tissu conjonctif superficiel et moyen. Cette réaction inflammatoire de faible niveau est suivie d’une activation et d’une prolifération fibroblastiques à l’origine de la formation d’un néo collagène et à terme d’un remodelage du tissu conjonctif.


Cette technique nécessite :

soit l’utilisation d’un Laser dont la longueur d’onde est préférentiellement absorbée par l’eau présente dans la gencive, ce qui entraîne une élévation de température modérée.

Soit l’utilisation d’un Laser dont la longueur d’onde est préférentiellement absorbée par les vaisseaux superficiels de la gencive, ce qui entraîne une activation plaquettaire ; dans ce cas les plaquettes pourraient jouer un rôle important dans ce phénomène de remodelage. Il est possible d’obtenir leur activation sans formation de thrombus. Leur transmigration, suivie d’une dégranulation, conduit à la libération de plusieurs facteurs de croissance (PDGF, TGF-ß,…) qui pourraient provoquer une stimulation des fibroblastes et par conséquent une production d’un néo collagène. L’action sur d’autres cellules (rôle de l’histamine sur les mastocytes, par exemple) pourrait renforcer cette action.

Une modification de la température intervient au niveau du site :

dès 45 ° : apparition de phénomènes de vasodilatation et de dommage endothélial
A 50° : disparition de l’activité enzymatique
A 60° : désorganisation des membranes cellulaires et dénaturation des protéines dont la structure tertiaire est définie par des liaisons fortes (pont disulfure) et faibles (liaisons H et hydrophobes).
La chaleur n’altère pas les ponts disulfures, ni les liaisons covalentes mais elle rompt les liaisons H. Ainsi la protéine dénaturé a une structure plus allongée ; elle est plus visqueuse en solution.
Entre 60° et 70°, les protéines plasmatiques sont dénaturées et augmentent la viscosité du sang. Le collagène est aussi une protéine mais sa résistance à la chaleur est supérieure car sa structure est plus hiérarchisée.

Le procollagène se présente sous la forme d’une triple hélice polypeptidique maintenue en place par des liaisons H. L’association par des liaisons covalentes de plusieurs unités de procollagène forme une fibrille collagène. C’est l’association de plusieurs fibrilles par l’intermédiaire de liaisons ioniques et H grâce à la présence d’eau (liquide interstitiel) qui forme une fibre de collagène. L’échauffement produit une évaporation du liquide interstitiel.

Les liaisons H inter fibres créées grâce à la présence de liquide disparaissent avec l’eau. Enfin la chaleur provoque un démasquage des groupements réactifs susceptibles de former des liaisons hydrophobes.
Ceci entraîne une augmentation importante des liaisons hydrophobes et glycoprotéines qui forment alors une « colle » : la fibronectine. Ce processus apparaît à 75°, modifie la structure tissulaire et s’accompagne d’une réaction tissulaire avec déshydratation totale.

Si la température s’élève rapidement à 100°, la vaporisation du liquide intersticiel conduit à la volatilisation des constituants tissulaires et à la destruction de l’architecture du tissu.

Enfin, dès que l’eau a disparu, en fonction de la température atteinte, apparaissent des phénomènes de carbonisation et de combustion des composants organiques. Le résultat médical de l’action thermique du laser n’est pas seulement dû à l’échauffement induit par l’absorption de la lumière, mais aussi au processus cinétique de cette transformation.

1er cas clinique:

Monsieur RIC P, sans antécédent médical, sportif, non fumeur est envoyé par un confrère pour l’élimination d’un abcès dentaire. Cette lésion osseuse d’origine endodontique intéresse la 47 couronnée par une couronne céramo-métallique. La proximité du canal dentaire mandibulaire et l’importance de la lésion nous impose un principe de précaution : éviter le curetage apical par trépanation osseuse latérale mandibulaire. L’extraction réimplantation immédiate après exploration alvéolaire et élimination de l’abcès est proposée au patient qui avalise l’intervention..

Fig(1) état initial, dent non mobile.

Fig(2) radiographie rétro alvéolaire mettant en évidence la lésion osseuse

Fig(3) agrandissement du site infecté

Fig(4) la couronne se fracture et emmène l’inlay core avec elle

Fig(5) curetage de la lésion osseuse

Fig(6) avulsion méticuleuse de la 47

Fig(7) canal distal vidé de son contenu poreux

Fig(8) obturation radiculaire après désinfection canalaire au laser Nd YAP

Fig(9) alvéole déshabitée hémorragique


Fig(10) l’action photo thermique du laser en défocalisant la fibre transforme rapidement le saignement intracanalaire en un caillot organisé tapissant les murs et le fond de l’alvéole à la manière d’une membrane de PRP d’aspect visqueux et compacte

Fig(11) radio de l’alvéole avant la réimplantation

Fig(12) mise en place de la partie radiculaire de 47 sous pression douce

Fig (13) contention et biostimulation peridentaire au laser pour activer le collage des fibres de collagène sur le collet clinique de 47

Fig(14) radio de contrôle

Fig(15) état clinique à 6jours. La coloration du composite montre une application sérieuse d es bains de bouche à la chloréxédine

Fig (16) vue clinique à J+41

Fig(17) radio de contrôle

Fig(18) contrôle clinique à 5 mois montrant une bonne gingivo intégration et l’absence totale de poche parodontale

Fig(19) contrôle ojectivant une parfaite osteo intégration avec disparition de la lésion osseuse

Fig (20) vue vestibulaire des molaires en occlusion. Constatons un excellent état gingival avec un large bandeau de gencive attachée

2em cas clinique:

Fig(1) Monsieur T D sans antécédent médical vient consulter régulièrement depuis des années.
En 2003 une radio des 46 et 47 attire mon attention sur un début de parondontite. Il refuse un traitement parodontal non chirurgical au laser Nd YAP

Fig(2) et (3) après une longue absence accompagnée de soucis professionnels, le patient se plaint de douleur dans le secteur mandibulaire droit, d’enfoncement du bloc molaire pendant la mastication, de gout amer et de gêne évidente quand il revient montrer son panoramique



Fig(4) la rétroalvéolaire montre une lésion osseuse bien établie encadrant les racines molaires sur une largeur de 4mm s’étendant jusqu’au canal mandibulaire.
Après longue réflexion sur la nature du traitement idéal et le refus du patient pour la pose d’implants pour des raisons financières (objections dont il faut tenir compte dans un plan de traitement), la décision est prise d’un commun accord d’extraire ces 2 molaires, d’assainir le milieu et de les réimplanter. Le rendez vous est pris un mois plus tard.


Fig(5) à chaque pression sur la table occlusale des molaires, un liquide purulent sourd de la gencive marginale. La mobilité est très importante dans tous les sens et en particulier dans le sens vertical sur une profondeur de 2 mm.

Fig(6) radio avant extraction. La situation ne s’est pas améliorée en un mois mais a été stabilisée par une hygiène irréprochable et la prise d’antibiotiques dans la semaine précédente.


Fig (7, 8 et 9) avulsion très délicate au cours de laquelle une des molaires se descelle de sa couronne.




Fig (10) radio après curetage délicat et minutieux.

Fig (11) dents extraites avant leur traitement de surface.

Fig (12) l’alvéole est remplie de sang.


Fig (13) élimination du kyste alvéolaire.


Fig(14) traitement alvéolaire au laser Nd YAP associé à une irrigation sans pression excessive à l’eau oxygénée 10 volumes.

Fig (15) surfaçage radiculaire à la curette dent tenue entre deux doigts. Noter l’épaisse couche
De tissu de granulation plus ou moins calcifié très adhérent aux racines.

Fig (16 à 24) curetage relayé par une stérilisation de surface radiculaire au laser, la fibre en mouvement irradie toute la surface radiculaire sans porter préjudice au cément et sans détruire le desmodonte. En 1983, Anderson et Parrish démontrent que la destruction sélective d’un tissu sans dommage pour les structures adjacentes, est possible à condition que soient appliquées une longueur d’onde et une durée de pulse adaptées.

Fig (25 à 29) état de surface après irradiation laser, scellement de la couronne, élimination du ciment périphérique, badigeonnage à la bétadine.


Fig (30 et 31) biostimulation intra alvéolaire au laser pour activer la libération de facteurs de croissance in situ, remplir l’alvéole d’un sang visqueux qui sous l’action photo thermique du laser va se transformer en une épaisse membrane caoutchouteuse bien stabilisée qui fera le lit des dents à réimplanter.

Fig (32) les 2 molaires solidarisées par les couronnes jumelées sont placées sans pression excessive dans les alvéoles réceptrices et sont bloquées dans cette gangue fait d’un caillot stabilisateur et nourricier bien étanche à la manière d’un joint de silicone isolant le milieu extérieur toxique du milieu intérieur à nouveau protégé.


Fig (33) la radio montre un positionnement plus apical de ces deux molaires et objective un espace interproximal mésial élargi qui sera fermé au composite et qui assurera une contention supplémentaire.


Fig(34 à 36) contention, mise en sous occlusion des 2 couronnes et situation finale après une séance de 2 heures.


Fig (37) contrôle clinique à une semaine sans gêne, sans douleur , sans œdème, sans mobilité.

Fig (38) contrôle occlusal car toute interférence est préjudiciable.


Fig (39) gros zoom sur la maturation du tissu gingival à une semaine et l’excellente hygiène d’un patient motivé.


Fig (40 à 43) contrôle clinique et radiologique montrant une bonne gingivo et ostéo intégration à 6 semaines post op.

Fig (44 et 45) contrôle clinique et radiographique à 3 mois et demi. La gencive est épaisse, stabilisée avec un excellent bandeau de gencive attachée. La sonde ne pénètre plus et l’attache épithéliale joue à plein son rôle de barrière protectrice.


Ce patient bien motivé et satisfait du résultat ne veut pas décevoir et s’applique à respecter les consignes d’hygiène recommandées et à se soumettre à des contrôles cliniques et radio réguliers. Rendez vous dans 2 mois pour suivre l’évolution de la technique et la réévaluer.

Conclusion

La technique présentée ici est une technique peu connue réservée à des Praticiens expérimentés et à des patients très motivés et déterminés à supporter des contraintes d’hygiène et de contrôles très réguliers. Cette technique est plus écologique et plus économique que la pose d’implants après greffe suivie de la réalisation des prothèses sur implants. Cependant le devenir des réimplantations est incertain. Pendant longtemps les revues de littérature dénonçaient le manque de stabilité dans le temps avec risque de résorption externe et interne des racines ou bien des problèmes d’ankylose. Ces auteurs ne comptaient pas avec l’évolution des techniques associées au laser.
Récemment des chercheurs ont constatés que les réimplantations « laser assistées » permettaient une conservation du desmodonte allant à l’encontre de l’ankylose. La technique « laser assistée » permettrait de conserver les dents plus longtemps, d’assainir des zones pathogènes et de proposer la mise en place d’implants programmée au bon moment, d’empêcher les désordres occlusaux par perte d’antagoniste et d’améliorer immédiatement la mastication avec ses conséquences sur le plan de l’équilibre physiologique et psychologique.

La réimplantation est une sorte de passage obligé quand la situation financière du patient ne lui permet pas d’accéder à la prothèse implantaire et que le choix d’une prothèse amovible sur le long terme fermerait la porte à la prothèse implantaire par le risque de résorption osseuse accrue chez les porteurs de ce type de prothèse.

Donc cette technique serait un compromis astucieux entre une situation délétère à long terme et une solution impossible immédiatement pour raison financière.


En conclusion, le laser peut être considéré comme un accélérateur de cicatrisation avec des suites opératoires moins contraignantes qui permet une reprise du brossage sans douleur et favorise les soins d’hygiène immédiatement. Cet outil thérapeutique a une action anti inflammatoire sans les inconvénients des anti inflammatoires et l’acceptation par le patient de ce type de traitement est totale.