samedi 3 octobre 2009

Implantologie sans greffe

INTRODUCTION


L’implantologie est actuellement une technique sûre, fiable et établie scientifiquement ; cependant la pose d’un implant dépend du volume osseux.
En cas de déficit osseux, de nombreux auteurs préconisent l’utilisation de greffons osseux de toutes origines : naturelle ou synthétique, d’os de banque ou d’origine animale, ou enfin d’os autogène qui a longtemps été le « gold standard ».Cette intervention nécessite une chirurgie complémentaire et représente un surcoût pour le patient et des risques de complications post opératoires.

L’indication des greffes osseuses (post extractionnelles, pré-implantaire ou per implantaire) est à ce jour bien codifiée et argumentée.
Cependant, certains protocoles permettent de simplifier le traitement chirurgical en s’affranchissant de cette intervention supplémentaire de comblement, d’apposition, de greffe en onlay ou d’augmentation de la hauteur d’os sous sinusien (sinus lift).
Après une extraction très délabrante, l’os résiduel présente à la fois des potentialités ostéogéniques, ostéoconductrices et ostéoinductrices. La vascularisation du site à reconstruire, élément capital de réussite, débute très rapidement. L’objectif est donc de respecter et conserver un maximum de volume osseux initial résiduel post extractionnel.
Dans la première semaine qui suit l’extraction, os alvéolaire et périoste fournissent éléments vasculaires et ostéoprogéniteurs. Suite à la rupture vasculaire, une cascade de signaux hémostatiques est déclenchée, permettant la formation du caillot et l’arrivée des plaquettes, PMN et macrophages. Les plaquettes vont secréter des facteurs de croissance. Les cellules ostéoprogénitrices, capable de créer l’os spontanément, sont ostéoinductrices ; la matrice extracellulaire dont elles sont constituées contient des facteurs de croissance (TGF-béta , PDGF, IL-1, IGF-1, BMP) (Urist 1971) capables d’induire le recrutement et la différenciation des cellules mésenchymateuses en ostéoblastes. Le tissu osseux néo formé ainsi obtenu sera envahi passivement par les cellules et les tissus péri vasculaires environnants ; ce tissu par la suite va se minéraliser (Cardaropoli 2003). A 6 semaines, l’alvéole est remplie aux 2/3 par du tissu ostéoîde.

Pendant les 6 mois suivants, la vascularisation du site spongieux sera rapide et obtenue par anastomose entre néo vaisseaux. La néoformation osseuse est obtenue à 6 mois.

La phase de remodelage par remaniement de l’os néoformé en os lamellaire est obtenue à 1 an.

Grâce au traitement laser l’on obtient une accélération et une amélioration de la qualité de la cicatrisation. Ce traitement basé sur la lumière et son amplification peut être réalisé en pré, per ou post implantaire.
Ce protocole qui est très dépendant de l’observance du patient exige de nombreuses séances de contrôle et pourra donc être contre-indiqué pour les patients peu motivés.

D’une manière générale, un suivi régulier des patients permet d’éviter qu’infections péri-apicales, parodontales ou traumatismes ne dégénèrent. Par contre, dans les cas où une perte osseuse est déjà installée, il existe des protocoles et des techniques qui permettent d’implanter dans de bonnes conditions.


• PROTOCOLE

1. Avant l’extraction

Le patient doit être suivi de façon régulière. Toute pathologie doit être rapidement diagnostiquée et traitée : fêlures radiculaires, fractures, abcès, traumatismes occlusaux, parodontopathies.
Ce contrôle clinique et radiographique permet de détecter tout processus pathologique qui pourrait évoluer et entraîner une perte plus importante du volume osseux car parfois les découvertes sont fortuites, le patient n’ayant jamais manifesté de signes douloureux

2. Pendant l’extraction

Le but est de réaliser une extraction atraumatique.
Le volume osseux sera préservé en appliquant des techniques chirurgicales appropriées :
• séparation de racines pour limiter le traumatisme sur l’os et éviter toute fracture des tables alvéolaires,
• respect et maintien dans la mesure du possible de septum inter radiculaire,
• fraisage aux dépens des racines et non de l’os,
• éviter toute fracture d’apex dont la récupération compromettrait le volume osseux existant,
• éviter de lever un lambeau de pleine épaisseur risquant une ostéoclasie réactionnelle ; le périoste ainsi préservé conservera une voie de vascularisation.

L’alvéole post extractionnelle est immédiatement envahie par du sang. Celui-ci lui apporte des éléments de cicatrisation, notamment de la fibrine et de nombreux facteurs de croissance libérés par les plaquettes.
L’irradiation laser, par ses actions photo thermique, photo chimique, photo électrique et photo mécanique peut favoriser ce remodelage osseux. Le caillot doit être préservé (intérêt des bonnes conduites à suivre enseignées par le praticien : compression de l’alvéole déshabitée, alimentation et boissons chaudes déconseillée, tabac proscrit, abstention de bains de bouche pendant 24 heures….) .La vascularisation s’organise. Le tissu de granulation remplit l’alvéole et se transforme en tissu conjonctif. Les ostéoblastes présents vont participer à une néoformation osseuse (Amler 69, Cardaropoli 2003)
L’alvéolyse postextractionnelle conduit à la perte de 20% du volume osseux à 4 semaines de cicatrisation pouvant atteindre jusqu’à 80% du volume initial (Atwood 57,Tallgreen 72, Schroop 2003 ) en quelques mois.

3. Avant la mise en place de l’implant.

Une étude approfondie du cas implantaire basée sur un panoramique, sur l’analyse de moulages montés sur articulateur, de wax up, de réalisation de guides radiologique et chirurgical, et de scanner orientera le praticien vers le choix du type d’implant, du diamètre, de la longueur, de l’état de surface, de l’axe de forage, du protocole de forage, de la mise en charge immédiate ou retardée et du temps de mise en nourrice.

4. A la mise en place de l’implant

La pose de l’implant sera réalisée dans des conditions atraumatique et aseptique. Dans les cas de déficit osseux, d’os de qualité médiocre, de hauteur sous sinusienne réduite ou de crête fine, le sous forage et la lenteur de forage semble nécessaire sous une irrigation abondante. La vitesse très réduite de vissage permet de réaliser une condensation osseuse et la recherche d’un maximum de stabilité primaire, quelle soit apicale, latérale ou bien sûr apicale et latérale. L’utilisation d’ostéotomes en diamètre de plus en plus large est intéressante. L’association des deux, forets et ostéotomes est parfois recherchée. Le but est la conservation systématique de tout tissu dur résiduel.
Par son attraction pour les ostéoblastes, le meilleur comblement osseux est le titane. La mise en nourrice rallongée est conseillée même si l’état de surface autorise des mises en charge précoces.

5. Après la mise en place de l’implant.

Etre à l’écoute des doléances du patient.
Lui donner des conseils d’hygiène.
Planifier des visites de contrôles cliniques et radiographiques.
Proposer des séances de biostimulation post implantaire au laser qui apporteront une amélioration de la cicatrisation : plus rapide et de meilleure qualité (voir lectures conseillées)

• CAS CLINIQUES

Quand nous sommes en présence de lésions osseuses importantes, de crêtes fines, d’hauteur sous sinusienne réduite, la question se pose : peut-on implanter sans comblement avec succès ?

Les cas cliniques présentés ci-dessous montrent comment parvenir à régler ces problèmes quand ils sont déjà installés.

PRESENTATION DE CAS CLININIQUES

1er cas :

Mademoiselle C M, 35 ans, sans antécédent médical est adressée par son chirurgien dentiste pour l’avulsion de la 26 infectée depuis des mois. La patiente qui ne ressentait aucune douleur, ni gêne ne s’est manifestée que lorsque la couronne s’est descellée.

L’avulsion, loin d’être aisée, les racines résiduelles s’effritant à chaque luxation, a généré un délabrement alvéolaire important.
Un mois et demi plus tard, un scanner est réalisé.


Les coupes coronales de l’alvéole montrent une ostéolyse prononcée.
Le sommet de la crête gingivale objectivé par la pointe cervicale du guide radiologique montre un effondrement de l’os alvéolaire atteignant le plancher sinusien et soutenu essentiellement en vestibulaire par une fine baguette de corticale osseuse.
Les coupes axiales permettent de constater une absence totale d’os cortical vestibulaire.
Les coupes panoramiques montrent une insuffisance d’os proximal, en distal de l’alvéole
5 semaines après l’analyse du scanner, le cliché rétroalvéolaire montre une légère amélioration des structures trabéculées

A 5mois post extractionnel un implant Biomet 3i® de 5mm de diamètre est placé après un forage à 3mm de diamètre dans un os de qualité médiocre s’apparentant à un tissu mou à une vitesse particulièrement lente (5 à 9 tours minute).

Un cliché rétro alvéolaire est pris tous les mois avec contrôle clinique de l’hygiène locale et de la qualité des tissus environnants.

A 6 mois post implantaire la mise en fonction objective un os de bonne de bonne qualité, dense, sertissant le col implantaire avec une forte adhérence sur la vis de couverture ;

15 jours après un inlay core gingie hue® est transvissé par une vis en or serrée à 32 N /cm

Une bonne ostéo intégration est constatée et une couronne provisoire réalisée
La patiente attendra 15 mois pour faire par son dentiste traitant la mise en charge définitive.
Elle se fera dans de bonnes conditions après analyse du dernier cliché rétro alvéolaire.



2ème cas :

Madame DA souffre depuis des mois et vient consulter après avoir subi un ’’curetage’’ (sic) de la 36 de son chirurgien dentiste traitant.

. Cliniquement, cette dent très mobile et douloureuse depuis longtemps est encadrée
par deux dents relativement mobiles et sensibles à la percussion.
La patiente, n’a aucun problème de santé particulier.
La radio montre une importante obturation de pâte inter radiculaire.

L’avulsion ne sera réalisée que 5 mois plus tard.

A 4 mois post extractionnel, le scanner met en évidence la persistance d’un déficit
osseux très important
L’extrémité apicale de gutta du guide radiologique permet d’apprécier une ostéolyse
de 10 mm de profondeur maintenue en linguale par une très fine baguette de corticale.
Une épaisseur d’1,5 mm d’os sépare le fond de l’alvéole du canal alvéolaire
mandibulaire.
A 7 mois post extractionnel, les mobilités de 35 et 37 ont considérablement diminué
Et l’état d’assainissement des tissus amène la décision d’implanter le mois suivant.
L’implant de 5mm de diamètre est placé en sous forage dans un os de type IV moins, à vitesse très lente dans une sorte de bouillie osseuse, et sans mouvement intempestif parasite. L’ancrage dans le dernier mm d’os assure une stabilité primaire fragile mais incontestable.

La patiente est contrôlée tous les mois radiologiquement et cliniquement. Une séance
de biostimulation au laser est réalisé une fois par mois.
A 8 mois post implantaire, un lambeau muco-périosté met en évidence un recouvrement d’un os mature de bonne qualité qu’il faut exciser pour serrer à fond la vis de cicatrisation
Une chirurgie muco-gingivale permet de créer un bandeau de gencive attachée
objectivable à 2 semaines.
La vis de cicatrisation sera laissée volontairement 7 mois à l’issue desquels la mise en charge définitive sera effectuée.

La radio de contrôle réalisée à 22 mois post extractionnel, ou 14 mois post-implantaire, montre une excellente intégration de l’implant avec une corticale bien dessinée dans la périphérie des spires de titane, une réorganisation osseuse particulièrement dense.



3ème cas :

Monsieur H, 17 ans, souffre d’une agénésie de la 12.
En collaboration avec son orthodontiste, le diamètre mésio distal de l’édentement est augmenté afin d’y loger un implant.
La coupe coronale du scanner montre une épaisseur transversale limite avec une forte courbure vestibulaire. La position du transparent et son analyse amènera à forer plus en palatin pour sauvegarder la corticale vestibulaire et orienter l’axe de forage le moins oblique.


5 mois après la pose implantaire atraumatique et acrobatique, la mise en charge définitive est réalisée.
Un contrôle clinique et radiologique 4 mois plus tard montre une gencive periimplantaire de qualité malgré une hygiène peu rigoureuse et une ostéointégration réussie.


Un contrôle à 9 mois puis à 17 mois post implantaire confirme la qualité des résultats précédents. Notons une gencive perturbée malgré les efforts considérables du patient et sa bonne volonté






4ème cas :
Mademoiselle KM, 37 ans sans ATCD, se présente au cabinet avec une
cellulite génienne basse.

La radiographie rétro alvéolaire de la 36 montre une lésion osseuse d’origine endodontique.
L’extraction atraumatique et délicate permet de préserver une partie du septum inter radiculaire
Le guide radiologique permet d’apprécier la zone d’ostéolyse sous jacente à la crête gingivale. La coupe coronale montre un important délabrement osseux avec perte de la corticale vestibulaire et un septum osseux pratiquement inexistant.

L’implant de 5 mm de diamètre est placé 2 mois plus tard. Le col implantaire est volontairement situé à 1,5mm en deçà de la corticale linguale. L’implant est vissé lentement jusqu’à obtenir une bonne stabilité primaire à sa base car les spires supérieures ne sont pas recouvertes. Seul un filet sanguin semble être aspiré dans les spires et commence à coloniser le pas de vis sur toute sa hauteur jusqu’au col implantaire qui parait noyé dans un flux sanguin qui s’étale en nappe.


3mois plus tard lors de la mise en fonction, l’implant est noyé sous un monticule osseux important. Il faudra une heure de fraisage pour en venir à bout et visser la vis de cicatrisation à fond. Puis l’inlay core en titane sera transvissé à 32 N /cm.


L’empreinte en direct de ce faux moignon permettra de réaliser une couronne céramo-étallique.



5 ans plus tard on constate une bonne intégration tissulaire tant sur le plan clinique que sur le plan radiologique ;

situation qui tend s’améliorer dans le temps puisque, 9 ans après la pose de l’implant dans un os pratiquement inexistant, le contrôle radio montre une excellente intégration et au niveau clinique la formation papillaire en mésial et distal de la couronne rend le contexte très naturel.








5ème cas :
Madame M C, n’a pas eu de soin dentaire depuis une dizaine d’année. Elle est en bonne santé générale. L’avulsion de la 34 et le curetage de la lésion osseuse montre un site alvéolaire élargie. La pose d’implant dans de tel site est acrobatique voir impossible.

Sur le plan radiographique, la panoramique a été faite après l’extraction de la 34.
Plusieurs années d’infection du tissu osseux par la présence de cette dent fracturée ont entrainé une ostéolyse importante très proche du foramen mentonnier en avant d’un édentement de la 35.

La stimulation du site suivie de la pose de l’implant permet d’initier la réparation osseuse. La stimulation se fera par piquage, fraisage et par laser, de provoquer un saignement et d’initier une reconstruction osseuse .
L’analyse très minutieuse du scanner , les antécédents médicaux de sa mère trop tôt disparue à la suite d’une infection dentaire mal traitée, les angoisses justifiée de la patiente amène à ne mettre qu’un implant sur le site 34 et réaliser par la suite un bridge implanto dento porté et éviter ainsi le moindre risque d’effraction dans la zone du nerf alvéolaire inférieur.

Le guide radiologique montre un axe de forage trop oblique et trop vestibulé. Une crête relativement fine mais surtout trop lingualée par rapport au guide initial. Un compromis s’établit entre axe prothétique et axe chirurgical implantaire.. Un implant de diamètre 4 et de longueur 10 sera choisi.
3 mois plus tard, le serrage à fond de la vis de cicatrisation montre une très bonne stabilité implantaire .






6ème cas :
Monsieur LP, 79 ans demande une réhabilitation occluso prothétique du maxillaire édenté depuis dix ans. L’analyse radio panoramique et scanner avec guide radiologique montre la faible hauteur sous sinusienne pour implanter correctement. Or le patient refuse toute greffe sinusienne et tout dépassement d’honoraires par rapport à un budget qu’il s’est fixé.

Le choix se porte donc sur la réalisation d’un bridge implantoporté de dix éléments ancrés sur 6 implants. La technique de mise en place des implants les plus distaux permet de s’affranchir de tout sinus lift. L’implant sera vissé dans un axe oblique qui longera la corticale antérieure du sinus en évitant toute effraction préjudiciable.

Après 6 mois de mise en nourrice, les implants seront mis en charge avec une attention toute particulière de l’occlusion. Celle-ci, bien équilibrée assurera une pérennité de la prothèse et une stabilité de l’ostéointégration. Les photos du bridge scellé depuis plus de sept ans montre une bonne intégration du bridge. Les radios des implants permettent d’apprécier une stabilité osseuse satisfaisante.






CONCLUSION


Un plan de traitement est nécessaire avant toute intervention. Le projet prothétique dictera notre chirurgie implantaire. Les implants seront placés selon une exigence prothétique de finalité fonctionnelle et esthétique. Le patient sera informé des différentes étapes du traitement. Le consentement éclairé et le devis seront signés. L’utilisation ou non de greffes sera argumenté et les choix du patient seront pris en compte.

Le traitement se fera sans précipitation car patience et rigueur sont nécessaires
La participation du patient sera active et efficace quant à l’hygiène, la maintenance et le respect des visites de contrôle
L’analyse fine du scanner réalisé avec guide, l’évaluation de la faisabilité , les séances d’assainissement préimplantaire, l’utilisation d’un guide de forage précis, les vitesses de forage diminuées, les vissage d’implants à quelques tours minute, le respect des concepts occlusaux et la vérification de l’occlusion assureront la tranquillité patient.
Le suivi post chirurgical et l’évolution de la réparation osseuse



BIBLIOGRAPHIE

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